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Valensole 1965 : interview de Dominique Filhol et Matthias Van Khache

  • Laurence Ray
  • il y a 5 jours
  • 9 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 3 jours

Le Palais des Festivals de Cannes vient d'accueillir la première édition de Cinema For Space, le premier festival international du film consacré à l'espace. Après la cérémonie d'ouverture marquée par la présentation en avant-première du film américain The astronaut, et la remise du Prix d'Honneur à la spationaute Claudie Haigneré, le festival s'est poursuivi avec la projection de films sur la thématique de l'espace suivies d'échanges entre les équipes de films et des spécialistes du domaine spatial.


Valensole 1965 affiche du film

Dans les festivals, il y a toujours de bonnes surprises et de belles rencontres. A Cinema For Space, le public a ainsi pu découvrir ou revoir Valensole 1965 (le film est sorti en juillet). Dans son premier long métrage, Dominique Filhol revient sur une histoire qui s'est déroulée dans le village de Valensole dans les Alpes de Haute Provence il y a soixante ans. Le 1er juillet 1965, à l'aube, Maurice Masse, découvre dans son champ de lavande un engin mystérieux et deux extraterrestres.


La nouvelle s'ébruite vite et il est interrogé par les gendarmes. Du jour au lendemain, journalistes et curieux se ruent à Valensole et Maurice Masse va voir sa vie et celle de sa famille complètement chamboulées. Le film se concentre sur l'aspect humain de cette histoire et montre avec beaucoup de délicatesse la trajectoire de cet homme contraint de faire face à la situation.


C'est à Matthias Van Khache que Dominique Filhol a confié le rôle de Maurice Masse. Un rôle qui marquera incontestablement la carrière du comédien. Dominique Filhol et Matthias Van Khache étaient à Cannes pour rencontrer le public à l'occasion de la projection du film. Nous avons pu les interviewer et c'est avec beaucoup d'enthousiasme qu'ils nous ont parlé du film et de cette histoire qui avait défrayé la chronique.


Pourquoi avez-vous eu envie de porter à l'écran cette histoire ?


Dominque Filhol : Pour plein de raisons. Déjà, j'ai, depuis longtemps, une passion pour le sujet des ovnis, qu'on appelle aujourd'hui, phénomène aérospatial non identifié. Comme on est dans un festival dont le CNES est partenaire, c'est bien d'utiliser les termes appropriés. C'est un sujet qui me passionne depuis l'enfance. Mon père a été témoin d'un phénomène dans les années 70. Jeune, j'ai collectionné des choses sur le sujet, des magazines, des livres. C'est vraiment une passion qui remonte à loin, comme le cinéma, d'ailleurs.


Quant à l'histoire de Valensole, j'ai pensé à en faire un film, au moment où je travaillais sur un documentaire qui s'appelle « OVNI, une affaire d'État ». En 2019, je me suis rendu à Valensole avec l'équipe du documentaire et là, j'ai rencontré les gens qui avaient connu de près l'histoire de Maurice Masse et j'ai pu voir que presque 60 ans après, l'émotion était toujours palpable. Cette histoire a impacté les gens de ce village, et même après tant d'années.


C'est une affaire absolument incroyable, puisque c'est quand même le cas OVNI français le plus documenté. À l'époque, les gendarmes ont fait une enquête. Des traces sur le sol ont été constatées au milieu des champs de lavande qui n'a pas repoussé pendant dix ans à cet endroit-là. Il s'est passé quelque chose. Quoi ? Seul Maurice Masse le sait, il l'a raconté, c'est-à-dire qu'il a vu un objet en forme de ballon de rugby avec deux petits êtres à côté qui faisaient un mètre de haut. Il raconte qu'il a été paralysé pendant quinze minutes et a vu cet objet décoller et partir à toute vitesse dans le ciel. Cette histoire avait défrayé la chronique. Je voulais raconter du point de vue de Maurice et du point de vue de sa famille comment ils ont vécu cet événement à l'époque.


Maurice Masse est mort depuis plusieurs années mais vous avez pu rencontrer des membres de sa famille. Lorsque vous leur avez parlé du projet, comment ont-ils réagi ?


Dominique Filhol : Quand j'ai rencontré la fille de Maurice, Marie-Claude, elle n'a pas dit non mais elle en a parlé à sa nièce qui est productrice de films. Au départ, elle pensait interdire le film parce qu'elle avait l'impression de trahir l'esprit de son père qui n'avait plus du tout envie qu'on parle de cette histoire. Ca a remué quelque chose dans la famille parce que pendant des années, ils ont vu des journalistes débarquer régulièrement à Valensole. Maurice était devenu l'attraction du village tout au long de sa vie. Il n'est jamais parti et il n'a jamais réfuté ses propos. Pour eux, c'était au départ compliqué.


Marie-Claude a finalement accepté en disant qu'elle ne voulait pas empêcher un jeune réalisateur de faire son premier film. Finalement, le film est devenu très important pour elle. Elle l'a beaucoup apprécié. Pour elle, la boucle était bouclée. Elle pensait que le film avait réhabilité la mémoire de son père. Beaucoup de gens se sont moqués de lui, ne le croyaient pas.


Maurice Masse était connu et respecté dans le village. Il n'était pas considéré comme un illuminé. C'était un ancien résistant...


Dominique Filhol : Plusieurs psychologues ont rencontré Maurice Masse et ont fait part du fait que c'était quelqu'un de tout à fait normal. C'était un notable de la région. Il s'était battu pendant la Seconde Guerre mondiale. C'était un notable de Valensole. Tout le monde le connaissait.


C'est vous Matthias qui interprétez Maurice. Avez-vous, vous aussi, rencontré des membres de sa famille ?


Matthias Van Khache : J'ai rencontré sa fille et son gendre avant le tournage. J'avais besoin d'une validation. Par respect pour le travail qu'on allait faire, c'était important pour moi de les rencontrer. Ils m'ont dit que j'avais quelque chose de Maurice dans le sourire. J'étais très content. Sur le tournage, j'ai rencontré ses petits-fils. Je me suis rendu compte que l'histoire était encore très lourde dans la famille. Ils n'ont pas poussé à ce que je croie forcément à l'histoire. Ils m'ont dit : «tu feras ce que tu veux du personnage, avec le scénario ».


Ça m'a conforté dans l'idée que Maurice disait vrai parce qu'ils n'ont pas cherché à me convaincre. En général, quand on ne cherche pas à vous convaincre, c'est qu'on sait quelque chose. J'ai senti qu'il y avait encore énormément de non-dits, de secrets, de retenues, de pudeurs.


Quand on incarne un homme qui a existé et que, de surcroît, on rencontre sa famille, la pression est-elle plus forte ?


Matthias Van Khache : On a toujours une pression, mais il ne faut pas trop se la mettre parce que sinon, on est paralysé. Donc j'ai fait mon Maurice, le Maurice que j'imaginais. Comme, effectivement, sa famille a énormément de pudeurs, ils ne m'ont pas donné énormément de clés pour le jouer. A la rigueur, ils m'ont aussi aidé en me laissant toute la liberté de créer mon personnage.


Le film se concentre sur le côté humain et sur les conséquences qu'a cette histoire sur Maurice et sa famille. Pour un comédien, cela offre une large palette de jeu....


Matthias Van Khache : C'est clairement l'un des plus beaux rôles que j'ai eu à jouer de toute ma carrière. 0n ne raconte pas simplement une histoire, on raconte la trajectoire d'un homme et en quelque sorte le drame humain que lui et sa famille ont vécu. On n'est pas sur un film d'ovnis traditionnel où les extraterrestres débarquent et où on doit les combattre. Le film, c'est vraiment tout le voyage intérieur de cet homme face à cette rencontre.


C'est l'histoire d'une famille, avant tout, et celle d'un homme qui fait face à un événement extraordinaire et qui va devoir gérer ça. Je l'ai joué comme le bouleversement d'un homme qui aurait une apparition religieuse. C'est une expérience quasi-mystique qu'il a vécue. Il se sent très seul parce qu'il ne connaît personne qui a vécu ce qu'il a vécu. La description qu'il fait de cette rencontre, elle est corroborée maintenant par des dizaines et des dizaines de témoignages similaires dans le monde et qui sont documentés maintenant.


Il a décrit des petits hommes gris, exactement pareil que des gens au même moment aux Etats-Unis, au Nouveau-Mexique, en Amérique du Sud, en Afrique, ont décrit les mêmes personnages sans jamais s'être concertés.


Avant qu'on vous propose de faire le film, vous intéressiez-vous aux ovnis, au fait qu'on ne soit peut-être pas seuls dans l'univers ?


Matthias Van Khache : Tout cela me passionne ! Pourtant, je ne connaissais pas du tout l'histoire de Valensole. C'est assez drôle, parce que j'en connais beaucoup, mais l'histoire la plus inexplicable de mon pays, je ne la connaissais pas. Donc je l'ai découverte avec Dominique. Tout ce qui est l'inconnu, les mystères, ça me passionne. Quant au fait de savoir si on est seul dans l'univers, j'ai l'impression que c'est une question qui laisse peu de gens indifférents. Il y a des gens qui disent « Ah, je ne veux pas savoir. Non, non, j'y crois pas. C'est n'importe quoi. » D'autres, très ouverts, qui y croient, mais il y a peu de gens qui disent « Ah, je m'en fous complètement. » On l'a vu en faisant la tournée des avant-premières avec le film. Au moment des débats, à la fin, c'était toujours très tranché.


Le film a été tourné à Valensole ?


Dominique Filhol : Oui mais pas dans le champ où ça s'est passé parce que ce n'est plus un champ de lavande. En ce moment c'est un champ de blé ! On a tourné à 800 m à vol d'oiseau. On est vraiment dans le champ d'à côté. On a fait un vrai travail de décoration, de reconstitution. Il y a une archive de l'Ina sur cette histoire, où voit une interview du patron du café. Cette archive montre tout le charme et toute l'ambiance qui pouvait exister et qui existe toujours encore à Valensole. Finalement, ça n'a pas tant changé que ça et c'est cette ambiance aussi que je voulais retranscrire et partager. C'est un endroit absolument idyllique, merveilleux. C'est difficile de ne pas tomber amoureux de la région !


Matthias Van Khache : Le tournage était vraiment idyllique. Il y avait une telle ferveur de la part de l'équipe, que tout le monde s'entendait bien. C'était un peu la colonie de vacances. On n'a pas souffert de l'économie de moyens du film. Comme quoi, on peut faire des bons films même sans avoir des quantités d'argent. Le tout, c'est d'avoir une bonne histoire et après les gens suivent. Ce qui fait la qualité d'un tournage, c'est l'engagement des gens. On peut être sur un film à très gros budget et passer un tournage horrible parce que personne ne croit au film et, au contraire, on peut être sur un tout petit film et tout le monde y croit et fait en sorte que tout se passe le mieux du monde. C'est vraiment ce qui s'est passé pour nous.


Quels sont vos projets à tous les deux ?


Matthias Van Khache : Après Valensole 1965, j'ai tourné dans le dernier film de Régis Wargnier, La Réparation. Je viens de terminer un film d'Alexandre Arcady avec Benoit Poelvoorde et Kad Merad. C'est un thriller psychologique qui s'appellera Fausse Note et qui sortira l'année prochaine. C'est le quatrième film que je fais Alexandre Arcady. Après celui-là, on en a encore un en projet ! Je suis un peu sa petite mascotte. J'aime bien la fidélité chez les réalisateurs.

Je vais mettre en scène une jeune humoriste lyonnaise, Chloé Drouet. On est en train de mettre la touche finale à son spectacle et d'attaquer la mise en scène pour janvier.

J'écris aussi un long métrage qu'on est en train d'essayer de financer. C'est un hommage au cinéma italien des années 60-70 : on pleure, on rit, il y a du burlesque, du drame. Ça parle fort, ça crie, ça pleure, ça mange des pâtes : comme dans la vie ! Si je fais des scènes de repas, je veux que les gens mangent vraiment ; je ne veux pas que les acteurs fassent semblant !


Vous avez prévu de jouer dans le film ?


Matthias Van Khache : Non, pas du tout. Je ne l'écris pas pour moi. Je voudrais le réaliser et rester concentré sur la réalisation. Si on me laisse réaliser mon premier film, je ne pense pas que les gens auront la folie de me demander en plus de jouer dedans ! Quand j'écris, en général, je n'écris pas pour moi. C'est complètement stupide pour un comédien, mais je n'arrive pas à me projeter dans un rôle.


Vous, Dominique, êtes-vous en train d'écrire votre deuxième long métrage ?


Domique Filhol : Oui, je suis en train d'écrire le deuxième film mais je n'en dirai pas plus car je suis superstitieux. J'ai aussi un autre projet de documentaire. On va peut-être tourner l'année prochaine.


Vous êtes actuellement à Cannes au festival Cinema For Space. Quels sont les films sur l'espace que vous ne vous lassez pas de regarder ?


Dominique Filhol : Un de mes films préférés dans l'esprit de ce festival, c'est Contact de Robert Zemeckis, avec Jodie Foster. Je ne me lasse jamais de le voir. Après, il y a des films sur l'espace qui sont inspirants. Je suis un grand fan de Star Wars, 2001 l'Odyssée de l'espace, Rencontres du troisième type.


Matthias Van Khache : Moi, il y a un film que j'adore et que personne ne connaît, qui s'appelle H2G2, Le guide du routard intergalactique. C'est l'adaptation d'un roman parodique de science-fiction des années 70. Le film est à hurler de rire. C'est de l'humour anglais. Il y a une pléiade d'acteurs : John Malkovich, Sam Rockwell, Helen Mirren...


Que retiendrez vous de ce festival ?


Dominique Filhol : On a eu la chance de déjeuner avec Claudie Haigneré. En discutant ensemble, on se rend compte à quel point l'espace est un sujet pluridisciplinaire qui rassemble aussi bien l'art, la culture, et plein de domaines de la science. J'espère qu'il rassemblera aussi les hommes !



Valensole 1965 de Dominique Filhol avec Matthias Van Khache, Vahina Giocante disponible en vod à partir du 8 décembre.


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