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La bonne mère de Mathilda Di Matteo

  • Laurence Ray
  • 13 sept.
  • 3 min de lecture

Si un roman s'intitule La bonne mère, c'est qu'il a de très fortes chances de se dérouler à Marseille. Tout le monde sait que c'est ainsi qu'est appelée Notre-Dame de la Garde par les Marseillais.

Clara, l'héroïne du premier roman de Mathilda Di Matteo paru aux éditions L'iconoclaste, a quitté sa ville natale du Sud pour rejoindre Paris. Brillante étudiante, elle poursuit sa thèse et donne des cours à Sciences-Po. Dans Marius et Jeannette de Robert Guédiguian, le personnage interprété par Ariane Ascaride, redoutant le départ de sa fille, déplore le fait que Paris ne soit pas à la place de Marseille. C'est exactement ce que pense la mère de Clara. Depuis qu'elle habite à Paris, ses visites se font plus rares, à son grand désarroi. Véro, secrétaire dans un centre psychiatrique, vit désormais avec son mari, chauffeur de taxi. Entre les deux, le torchon brûle parfois et il peut arriver que celui qu'elle surnomme le Napolitain se laisse aller à une certaine violence. Elle n'a plus sa fille à ses côtés mais elle peut compter sur ses fidèles copines.

Véro est un personnage haut en couleur dans tous les sens du terme : elle met des décolletés plongeants, des couleurs voyantes, se promène volontiers nue chez elle, parle fort, a un caractère bien trempé et un langage fleuri. Autrement dit, Vero est une cagole. Clara en a bien conscience. Elle a déjà eu honte de sa mère, de ses tenues, de son langage lors des réunions parents-profs par exemple. En arrivant à Paris, ce qu'elle redoute par-dessus tout, c'est d'être prise à son tour pour une cagole car, elle le sait bien, les stéréotypes sont tenaces. Elle s'applique donc à gommer son accent et à soigner son vocabulaire mais la situation se complique lorsqu'elle tombe amoureuse de Raphaël, proche de Macron, adepte du stand-up à ses heures et fils d'une famille bourgeoise catholique pratiquante.

Lorsqu'elle décide de le faire venir à Marseille pour le présenter à ses parents, elle éprouve une certaine gêne. Il faut que sa mère fasse des efforts pour bien s'exprimer et bien se comporter. Le contraste entre les deux milieux et le choc des cultures donnent lieu à des scènes savoureuses car, comme on pouvait s'en douter, ce Parisien est loin d'être au goût de Véro qui le surnomme sans tarder "le Girafon". Quant à lui, il se montre trop poli pour être honnête et multiplie les « Madame » à son égard.

Mathilda Di Matteo s'en donne à cœur joie et embarque son lecteur dans un tourbillon lexical. En effet, l'une des (nombreuses) qualités de ce premier roman, c'est sa langue. Véro parle comme une vraie cagole marseillaise, avec ses expressions et ses excès de « y » à la place de « ils ». La romancière a eu la très bonne idée de faire entendre deux voix féminines : celle de Clara, tiraillée entre sa nouvelle vie parisienne et sa culture marseillaise, et sa mère, Véro, cette bonne mère si facilement qualifiée de cagole à laquelle on ne peut que s'attacher. D'ailleurs, il suffit de lire les premières pages où elle s'exprime pour avoir l'impression qu'elle est là, devant nous en train de parler et de râler. Seule une Marseillaise pouvait écrire ce roman. Chaque page est imprégnée de son amour pour sa ville natale.

Mais on ne saurait réduire ce roman à sa langue. Il fait avant tout le portrait de deux femmes, unies par un amour indéfectible. Elles se disputent, ne se comprennent pas toujours mais elles sont toujours là l'une pour l'autre. Même si elles n'habitent plus dans la même ville et n'évoluent plus dans le même milieu, elles subissent toutes les deux la violence des hommes. Le livre revêt un autre aspect lorsque Raphaël commence à dévoiler son vrai visage face à Clara, jeune femme trop sensible à ses yeux. Le mépris des classes sociales, les violences verbales et physiques concernent tous les milieux. Il est toujours bon de le rappeler. D'abord détruite, Clara va rebondir, soutenue par sa mère et par ses nouvelles amies. Mathilda Di Mattéo parvient avec beaucoup d'intelligence à jouer avec les clichés. Si les personnages masculins sont assez vite exaspérants, on ne peut que s'attacher à Clara et à sa mère Véro, cette cagole au grand cœur, plus intelligente et sensée qu'il n'y paraît. Pendant tout le livre, on suit le cheminement de ces deux femmes vers l'épanouissement. C'est à la fois savoureux et touchant !

La bonne mère Mathilda Di Matteo éditions L'Iconoclaste

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