"Sadie à Brides-les-Bains", le roman pour adultes de Susie Morgenstern : interview
- Laurence Ray
- 10 avr.
- 6 min de lecture
Il suffit de citer à un adulte de moins de cinquante ans le nom de Susie Morgenstern pour qu'il pense immédiatement à La Sixième, ce livre qui a passionné des générations de lecteurs entrant au collège. En près de cinquante ans, elle a écrit plus de cent cinquante livres, et, même si elle vient de fêter ses quatre-vingts ans, elle n'est pas prête à prendre sa retraite. Elle a plein de projets d'écriture et plusieurs livres sont annoncés dans les prochains mois.
Susie Morgenstern est sans doute la plus Niçoise des Américaines. A moins que ce ne soit le contraire. Elle habite Nice depuis cinquante-huit ans et a enseigné l'anglais à la faculté des sciences pendant plus de trente ans. Ce n'est donc pas un hasard si, après le Salon du Livre de Paris, les Niçois feront partie des premiers à la rencontrer pour la sortie de Sadie à Brides-les-Bains, son roman destiné aux adultes (éditions Eyrolles Romans). Ce sera à la Fnac, mercredi 16 avril à 16h.

Sadie, l'héroïne de cette comédie romantique savoureuse, est une américaine, célibataire, passionnée par son métier, qui a pris la décision de venir en France, dans la petite ville thermale de Brides-les-Bains en Savoie, pour maigrir et éventuellement trouver l'amour. Elle est originaire de Newark, dans le New Jersey, comme Susie Morgenstern (mais aussi Philip Roth et Paul Auster). Toute ressemblance entre Sadie et sa créatrice n'est pas le fruit du hasard. Susie Morgenstern nous l'a confirmé lorsque nous l'avons contactée par téléphone. Avec ce petit accent américain tellement agréable à entendre et son sens de l'humour habituel, elle nous a parlé de ce roman pour adultes qui contient tous les ingrédients pour plaire aux lecteurs (de l'amour, de l'émotion, de l'humour, et du sexe) mais aussi de ses nombreux projets. Car Susie Morgenstern lit et écrit tous les jours !
Sadie/Susie, les deux prénoms se ressemblent. On se doute que vous avez des points communs avec votre héroïne...
Susie Morgenstern : Sadie me ressemble beaucoup ! Elle est américaine, aime la littérature, les enfants, elle écrit. Elle est grosse !
Pour maigrir, elle part en cure en Savoie, à Brides-les-Bains. Pourquoi avoir choisi ce lieu comme cadre de votre roman ?
Susie Morgenstern : Parce que j'y suis allée avec mon mari, il y a peut-être trente-cinq ans. On avait perdu tous les deux 7 kilos qu'on a repris en rentrant ! A l'époque où j'y suis allée, j'avais écrit un long article sur Brides-les-Bains, que je n'ai pas exploité du tout. Des années après, j'ai fait de Brides-les-Bains le cadre de ce roman. Et mon rêve serait que Brides-les-Bains remarque le livre et m'offre un séjour ! Il y a quelques années, j'ai écrit un livre qui s'appelle Calisson. Et un jour j'ai eu une grosse boîte de calissons du Roy René à Aix ! Pour continuer de répondre à votre question, je voulais que mon héroïne soit une Américaine qui vienne en France et j'ai choisi Brides-les-Bains parce que Sadie ne fait pas les choses comme les autres !
Sadie est plutôt optimiste. Même si elle a des moments de découragement, elle se ressaisit...
Susie Morgenstern : Oui, je suis très optimiste, mais en ce moment, peut-être un peu moins. Parce que j'ai l'habitude de dire maintenant que je suis une réfugiée politique. Je ne peux pas comprendre comment les gens ont pu voter à nouveau pour Trump. C'était assez mauvais la dernière fois.
A Brides-les-Bains, Sadie rencontre un Français richissime et un Américain, venant de Newark lui aussi...
Susie Morgenstern : je voulais au départ un antagonisme, une impossibilité de rencontre. Deux êtres contraires qui se rencontrent. Bernie et sadie viennent tous les deux du New Jersey. Parfois, en marchant à Nice, je rêve de rencontrer quelqu'un de mon passé. Mon mari était né à Nice. Quand on allait au cinéma, tout le monde l'appelait. Et moi ça ne m'arrivait pas. J'étais très jalouse ! J'ai commencé à être remarquée vraiment quand j'ai écrit Mes 18 exils.
Le livre est souvent drôle, notamment parce que Sadie, qui est une Américaine, porte un regard amusé sur les Français et leurs habitudes de vie. Avez-vous eu ces mêmes impressions quand vous êtes arrivée en France ?
Susie Morgenstern : Maintenant je suis plutôt une Française qui regarde l'Amérique ! Je suis en France depuis 58 ans. Quand je suis arrivée, c'était par amour. J'ai bien compris que mon mari n'aimait pas l'Amérique et que si je voulais le garder, il fallait que je vienne chez lui. C'était difficile au début, je ne parlais pas un mot de français. J'avais un bébé et je comprenais pas comment ça se passait ici. En arrivant à Nice, j'ai vu que je n'étais pas trop mal tombée. J'ai eu un cancer de stade4. Je suis vraiment reconnaissante à la France, au centre Antoine-la-Cassagne, qui m'a soignée. Si j'étais restée en Amérique, je serais morte parce que je n'aurais pas eu la couverture médicale. Je trouve que la France est extraordinaire, et j'ai envie d'étrangler les gens qui râlent tout le temps. C'est le sport national en France ! Mais en même temps, c'est grâce aux râleurs qu'on a tout ça aujourd'hui.
Sadie a apporté plusieurs livres dans sa valise pour son séjour en France. Comme elle, vous êtes une grande lectrice...
Susie Morgenstern : Je lis tout le temps ! Samedi, je serai au Festival du Livre de Paris, et je vais être interviewée avec une écrivaine écossaise qui écrit des romances, Jenny Colgan. Je ne savais pas qui elle était, alors qu'elle est un best-seller international. J'ai lu dix de ses livres, toutes les nuits. Je suis tellement excitée à l'idée de la rencontrer. J'adore ce qu'elle écrit ! Je lis aussi tous les copains écrivains pour la jeunesse. Marion Brunet, par exemple, qui est beaucoup venue à Nice avec la campagne contre l'illettrisme. Elle vient d'avoir un grand prix international.
Vous avez peut-être vu cette enquête disant que les Français lisent de moins en moins. Que diriez-vous pour inciter les gens, et plus particulièrement les jeunes, à lire ?
Susie Morgenstern : Il y a beaucoup de sollicitations extérieures, beaucoup de compétition avec la télé, les portables. Dans ma famille, mes enfants n'avaient pas de télé, alors c'était lire au crever ! Je cherche un moyen d'avertir les parents qu'il faut faire quelque chose contre ces écrans. On ne sait pas ce que ça fait au cerveau. Mon petit-fils de 14 ans est le seul de son collège qui n'a pas de téléphone. Nous écrivons un roman ensemble tous les mercredis. Il n'a droit aux écrans que chez moi, ce jour-là. C'est un enfant qui a toujours lu. Il n'a pas besoin des écrans pour avoir des idées. Pour une mère, il faut beaucoup de force pour ne pas donner un téléphone portable à son enfant. Ma fille est extrêmement forte. Elle a essayé de faire une réunion avec d'autres mères mais elles ont dit que ça n'était pas possible, qu'elles n'y arriveraient pas.
La sixième que vous avez écrit il y a quarante ans, séduit toujours autant les lecteurs. Comment expliquez-vous ce succès ?
Susie Morgenstern : C'est vraiment le best-seller de toutes les rentrées. Ce qui prouve que l'école n'a pas tellement changé. Je suis toujours beaucoup invitée pour parler de La sixième et je dis toujours qu'il y a d'autres livres. J'ai écrit 160 livres. Et c'est toujours La sixième, mon best-seller absolu !
Vous écrivez tout le temps. Quels sont les livres à paraître dans les prochains mois ?
Susie Morgenstern : Parmi mes livres récents, il y en a un qui s'appelle Surtout l'amour. Il y a aussi un album, Monstre cherche monstresse. C'est une histoire d'amour. Il est toujours question d'amour chez moi ! Un livre pour la jeunesse est sorti il y a quelques jours. Ca s'appelle La fleur du passage clouté et l'histoire se déroule à Beausoleil, près de Monaco ! En septembre, il y a aura un livre pour adultes, qui s'appellera Coeur de cochon, publié chez Jean-Claude Lattès, dans la collection « Bestial ». C'est une commande. L'éditeur m'a demandé d'écrire ma vie par rapport à un animal. J'ai choisi le cochon parce que je suis juive. Chez nous, on ne mangeait pas de cochon. C'était interdit. C'était l'ennemi. Et puis, j'ai un coeur de cochon parce que j'ai eu un bout de cochon transformé dans mon coeur. Donc cet ennemi est devenu mon sauveur. C'est une autobiographie. il va y avoir un roman pour ados qui s'appellera Addiction anonyme, et un livre intitulé La vie vaut la peine d'être écrite. C'est un guide pour écrire un journal intime. Je suis une militante pour le journal intime ! C'est la première chose que je fais tous les jours depuis l'âge de sept ans. Dans ce livre, il y a des extraits de mes journaux intimes à chaque âge. Mon journal n'est pas très intime ! Je l'envoie à tous mes amis, à ma sœur, à mes cousines. Et même à l'adolescence, je le lisais à ma mère. Je n'ai pas trop de secrets, moi !
Envisagez-vous une suite pour Sadie ?
Susie Morgenstern : J'ai pensé ce matin que peut-être ils pourraient retourner en Amérique et se marier. Mais je ne sais pas, parce que chaque livre pour moi est une aventure différente. Et je ne sais pas si je veux... Les suites ne sont pas toujours très bonnes! On verra bien !

Susie Morgenstern parlera de Susie à Brides-les-Bains (éditions Eyrolles Romans) à la Fnac de Nice mercredi 16 avril à 16h.
Elle est la marraine du prix jeunesse de la ville de Nice destiné à des élèves de classes de CM1, CM2 et sixième. Le prix sera remis le 30 mai lors du Festival du livre de Nice.
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