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Juliette ou la clé des songes à l'Opéra de Nice

Laurence Ray

La dernière fois que l'opéra Juliette ou la Clé des songes du compositeur tchèque Bohuslav Martinu a été programmé en France, c'était au début des années 2000, à l'Opéra de paris. Une vingtaine d'années plus tard, Bertrand Rossi, directeur de l'Opéra de Nice, a eu l'excellente idée de proposer au public azuréen cette œuvre moins connue que les grands classiques habituellement à l'affiche.


A Nice, Juliette ou la clé des songes a forcément une saveur particulière. En effet, c'est dans la capitale azuréenne que le compositeur Bohuslav Martinu en a achevé la composition, inspirée d'une pièce de théâtre écrite par Georges Neveux, qui a lui aussi vécu un certain temps à Nice. C'était donc comme une évidence pour les metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil de situer l'histoire de « Juliette ou la clé des songes » à Nice, à notre époque. La ville n'est pas simplement évoquée, elle est véritablement montrée puisque plusieurs séquences filmées dans différents lieux sont projetées sur des écrans. On y voit ainsi Michel, le personnage principal interprété par le ténor Aaron Blake, sur la Plage Amour, ou sur la Promenade des Anglais.


Venu à Nice pour retrouver la femme pour laquelle il a eu un coup de foudre trois ans auparavant, le jeune homme est victime d'un malaise cardiaque devant un monochrome bleu exposé au Musée Matisse. Conduit à l'hôpital, il va vivre une expérience de mort imminente. Tel est le point de départ de cette œuvre qui prend très vite des airs surréalistes. Pour Michel, les frontières entre le rêve, la mémoire et la mort se brouillent. On ne peut alors que féliciter les metteurs en scène d'avoir imaginé comme décor une boîte noire avec miroirs et écrans de part et d'autre, comme métaphore de ce qui se passe dans la tête de Michel. Des personnages hauts en couleurs se succèdent sur le plateau : sont-ils sortis de l'imagination de Michel ? Les a-t-il déjà rencontrés et les fait-il revivre dans ses souvenirs ? Peu importe. Les dialogues s'enchaînent, tous plus farfelus les uns que les autres, tels des cadavres exquis chers aux artistes surréalistes.

Après ce voyage onirique, le deuxième acte se concentre davantage sur la mystérieuse Juliette, dont la voix avait charmé Michel la première fois qu'il était venu à Nice. Son image est d'abord projetée sur les écrans, dans des poses sensuelles faisant inévitablement penser à Romy Schneider filmée par Clouzot dans L'enfer, avant qu'elle n'apparaisse, en chair en en os, sur le plateau (interprétée par Ilona Revolskaya), vêtue d'une robe pour le moins originale. Elle est une émanation de l'esprit de Michel, forcément magnifiée, idéalisée. L'incarnation de l'éternel féminin ? Celui auquel tout être aspire ? C'est en tout cas ce que suggère ce s entre parenthèses accolé au prénom Juliette qui apparaît au début et à la fin du spectacle.

Quant au troisième acte, il marque le retour (ou presque) à la réalité, à l'hôpital. Michel est étendu sur une table, prêt à passer un scanner. Le manipulateur se comporte tel un directeur de laboratoire des rêves. On plonge alors à nouveau dans l'univers surréaliste et poétique du début, avec le retour des personnages hauts en couleur du premier acte.


Les trois heures que dure cet opéra passent comme un rêve. On se laisse porter au gré des rencontres fantasmées de Michel. Embarqué dans un voyage onirique et poétique dont il ne connaît pas d'avance ni les étapes ni la destination, le public vit une expérience délicieuse.


Juliette ou la clé des songes opéra de Nice


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