Interview de Jina Djemba à l'affiche de la pièce Ring
- Laurence Ray
- il y a 14 minutes
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Jeudi 18 décembre, le théâtre Princesse Grace de Monaco accueillera Ring. Grand succès à Paris et en tournée, la pièce de Leonore Confino explore les différentes facettes du couple, entre rires et larmes, de l'effervescence des débuts, à la naissance des enfants, jusqu'à la séparation. Sur scène, seulement deux comédiens pour interpréter des personnages qui s'appellent tous Camille. En 2013, c'était Audrey Dana et Sami Bouajila. Désormais, les personnages sont interprétés par Jina Djemba et Amaury de Crayencour et le texte a été quelque peu modifié. C'est à Jina Djemba que l'on doit cette initiative. C'est elle qui a eu la très bonne idée de (re)faire vivre sur scène ces différentes variations du couple (c'est désormais le sous-titre de la pièce).
Jeudi, le public du Théâtre Princesse Grace pourra applaudir Amaury de Crayencour et Jina Djemba qui livrent tous deux une magnifique performance. Certains spectateurs reconnaîtront peut-être celle qui interprétait Madame de Tourvel dans la mise en scène des Liaisons dangereuses proposée par John Malkovich. La pièce avait été présentée à Monaco, il y a plus de dix ans. Depuis, Jina Djemba a poursuivi sa carrière au cinéma, à la télévision et a incarné Nina Simone sur scène au Théâtre de l'Oeuvre à Paris. Interview d'une comédienne passionnée et déterminée.

Si la pièce Ring a été remise au goût du jour, vous y êtes un peu pour quelque chose...
Jina Djemba : Effectivement ! J'ai appelé Léonore Confino pendant le premier confinement. On ne se connaissait pas personnellement mais on connaissait nos travaux respectifs. J'avais monté le spectacle sur Nina Simone juste avant et je cherchais un nouveau texte. En parcourant ma bibliothèque, je suis tombée sur le texte de Leonore Confino. J'avais le souvenir qu'il m'avait assez percutée quand je l'avais lu. Dans cette version, il n'était pas question d'enfant, de maternité et de paternité. Moi je venais d'avoir un fils et Leonore avait eu deux filles entretemps. Je l'ai appelée et je lui ai demandé, au culot, si elle avait tendance à retoucher ses textes. Elle m'a répondu que ça ne lui arrivait jamais. Au fil des conversations, j'ai été persuasive mais je n'ai pas eu besoin de faire grand-chose !
On a commencé à réécrire ensemble. On a notamment écrit une scène qui n'existait pas avant et à laquelle je tenais vraiment. Je voulais que le couple se retrouve face à un thérapeute qui serait le public, pour faire le point. Ça a été une écriture un peu croisée, avec des échanges. Leonore m'a fait confiance. C'est une belle histoire. Maintenant Leonore part du postulat que tous les dix ans, elle écrira une nouvelle version!
Il n'y a pas que le texte qui a été modifié dans cette nouvelle version. Il y a aussi un vrai travail sur les gestes, les mouvements des corps. Ca aussi, c'était votre idée ?
Jina Djemba : Exactement ! À la base, je devais mettre en scène le spectacle et mon mari devait faire la musique. Je m'entoure toujours de ma famille, au sens propre comme au sens figuré ! Finalement, Côme de Bellescize est arrivé au dernier moment et il a fait un magnifique travail !
Je tenais vraiment à ce qu'il y ait un travail sur le corps. Je l'avais dit à Léonore dès le début. J'ai appelé mon ami Madhi Baki qui est à la fois chorégraphe, danseur et acteur. Je lui ai demandé s'il pouvait nous faire travailler le corps. J'ai fait quinze ans de danse. Je trouve que le corps est un peu trop souvent laissé de côté dans nos façons d'aborder le métier. On est très intellos en France, parce qu'on aime le verbe, contrairement, par exemple, aux Anglo-Saxons qui arrivent à mêler plusieurs disciplines. Medhi a donc fait ce travail pour ce spectacle, pour moi. C'était indispensable, parce que je trouve que le texte de Léonore est très organique. Laisser le corps de côté, à mon avis, ça n'avait pas de sens.
Vous avez été déterminée pour cette pièce. Quand vous avez un projet en tête, vous vous donnez tous les moyens d' y arriver...
Jina Djemba : Je pense qu'il faut être proactif, quand on est artiste aujourd'hui. C'est important d'être co-créateur de sa vie, sinon on est tributaires du désir de l'autre et on est dans l'attente permanente. À quoi bon ? Je pense qu'on a tous des idées. Après, il faut savoir les mener. Je sais que ce n'est pas forcément évident pour tout le monde. Je n'aurais jamais imaginé pouvoir le faire. Ce projet théâtral, c'est un peu comme mon deuxième bébé ! Je continuerai parce que j'y ai trouvé du sens.
Le couple est un thème universel. En voyant la pièce, les spectateurs s'identifient forcément aux situations que vous jouez avec Amaury...
Jina Djemba : J'adore le regard que Léonore pose sur ce monde. Il y a eu beaucoup d'agencements par rapport à l'actualité, à la façon dont le monde évolue. Mais le point de départ est toujours la complexité de la femme, de l'homme, du couple dans son entièreté. Ce qui est assez beau, c'est que c'est intergénérationnel. Beaucoup de gens s'y retrouvent. On a eu tous les publics possibles et inimaginables et à chaque fois, ils sont cueillis à un moment ou à un autre. Il y a forcément une résonance à un moment donné de la vie. Pendant 1h20, on est sur le plateau comme sur un ring et on enchaîne les scènes. C'est une sorte de kaléidoscope. On déroule des pans de vie de couple. On s'appelle tous Camille. Ce qu'on aimait avec Léonore, c'est de laisser la possibilité aux spectateurs de se raconter que c'est peut-être le même couple ou potentiellement plusieurs couples différents. C'est chouette parce que le champ des possibles est assez infini.
Vous passez donc d'un tableau à un autre, d'une émotion à une autre. Le rythme est intense. Pour vous, cela doit être à la fois agréable et épuisant...
Jina Djemba : Ah oui, vraiment ! Je mouille la chemise ! Ce sont des codes de jeu que j'aime beaucoup. J'avoue que je suis d'origine Russe par ma maman slave de Saint-Pétersbourg et Camerounaise par mon papa. C'est un peu le feu et la glace. C'est là-dedans que j'ai été élevée. Mon jeu a toujours été représentatif de ça. J'adore passer du rire aux larmes. J'adore cette mécanique. Ça m'a toujours passionnée. Le texte de Leonore est vraiment dans cet esprit-là. Il est représentatif de la vie.
Sur scène, le duo que vous formez avec Amaury de Crayencour fonctionne très bien. Vous êtes pleine d'énergie ; Amaury, lui, est davantage dans la retenue....
Jina Djemba : Je connais Amaury depuis 2011. Il y a 5 ans, quand je me suis dit que j'allais monter le texte, je voulais que ce soit Amaury. Mais comme on a eu des petits soucis de planning parce qu'il était en tournée, j'avais auditionné d'autres acteurs avec Leonore. Mais je n'en démordais pas : je savais que ce serait Amaury parce qu'il a cette faculté de passer d'une scène à une autre d'une manière tout à fait différente de moi. Je pense que c'est ce qui ajoute encore plus d'intérêt à notre duo. On se complète tout en étant totalement différents. Il a une palette très large et, en plus, il a ce petit côté gendre idéal. Je trouve que c'était le meilleur candidat possible pour ce spectacle et ces rôles-là.
Ring est en pleine tournée mais avez-vous déjà en tête un autre projet ?
Jina Djemba : Oh oui !Depuis longtemps, j'ai envie de monter L'Opéra noir de Gabriel Cousin. C'est un projet qui avance assez vite en ce moment. En tant que comédienne, je vais tourner à La Réunion dans un long métrage d'une réalisatrice greco-américaine, intitulé Children of Nowhere. Le film raconte l'histoire de jeunes Réunionnais, qui avaient débarqués de chez eux, pour être placés dans des familles. C'est une histoire assez sombre. On va tourner en septembre-octobre. Je vais aussi bientôt réaliser un court-métrage. C'est important de garder l'esprit vif même si on ne réalise pas tout. Quand une porte se ferme, on en ouvre une autre et, à la rigueur, on passe par la fenêtre ! En ce moment, j'attends quatre réponses de tournage. Mon actualité va se préciser dans les prochaines semaines. Jean-paul Rouve et Jérémie Lippmann m'avaient proposé un rôle dans Le bourgeois gentilhomme mais, comme j'étais en pleine tournée de Ring, j'ai dû décliner leur offre. C'est un très beau spectacle, qui cartonne à Paris en ce moment. Je vais peut-être faire quelque dates de la tournée l'année prochaine.




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