Interview de Amaury de Crayencour à l'affiche de la pièce Ring
- Laurence Ray
- il y a 54 minutes
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Après le festival d'Avignon et le Théâtre de l'Oeuvre à Paris, Ring est actuellement en tournée et sera au Théâtre Princesse Grace de Monaco le 18 décembre. La pièce de Léonore Confino mise en scène par Côme de Bellescize explore toutes les variations du couple – c'est le sous-titre de la pièce-, de l'effervescence des débuts, à la naissance des enfants, jusqu'à la séparation. Si la pièce s'intitule Ring, c'est qu'elle montre l'amour comme un terrain de combat : seize tableaux ou plutôt seize rounds dissèquent les différentes facettes de la vie de couple. Sur scène, seulement deux comédiens pour interpréter des personnages qui s'appellent tous Camille : Jina Djemba et Amaury de Crayencour.
Lorsque Amaury de Crayencour est à l'affiche d'une pièce de théâtre, il y a de très fortes chances qu'elle soit un succès. Il a fait partie de l'aventure du Porteur d'histoire d'Alexis Michalik, de La Machine de Turing et de La Maison du loup de Benoît Solès. En ce moment, il est formidable dans Ring. Avant de l'applaudir sur la scène du Théâtre Princesse Grace de Monaco, nous l'avons contacté par téléphone.

La pièce explore toutes les facettes du couple de manière assez originale...
Amaury de Crayencour : On essaye vraiment de parler du couple dans tous ses états à travers 16 tableaux. On est deux sur scène, mais les personnages, a priori, sont différents à chaque séquence. On ne suit pas forcément les mêmes couples. Enfin, je dirais plutôt que l'interprétation est laissée libre aux spectateurs dans la mesure où les deux personnages s'appellent Camille, sauf à un moment où Adam et Ève font une petite incursion dans le spectacle. Après la première scène, on retrouve les deux personnages qui se découvrent à nouveau, donc on se demande si c'est un flashback, si c'est le même couple mais après, ou si c'est un autre couple. En tout cas, c'est l'amour dans tous ses états !
Vous avez donc une large palette d'émotions à jouer... Cela doit être très agréable pour un comédien..
Amaury de Crayencour : Oui, c'est vraiment une chance. On passe par toutes les étapes, par toutes les émotions. Comme, en plus, on joue des personnages différents avec des personnalités différentes, on a la chance de pouvoir montrer une palette d'émotions très, très large, qui va du rire aux larmes, de la passion au déchirement. C'est vraiment très agréable pour nous.
Sur scène, vous bougez beaucoup. Les mouvements semblent très travaillés, comme une chorégraphie...
Amaury de Crayencour : Jina Djemba, ma partenaire sur scène, a eu l'idée géniale d'introduire la chorégraphie dans cette histoire. On a eu un metteur en scène, Côme de Bellescize, et on aime bien dire qu'on a eu un metteur en corps plus qu'un chorégraphe. Ce n'est pas vraiment de la danse, c'est plutôt du mouvement. Il y a des moments qui ne sont pas parlés, où il n'y a pas de texte, mais où on bouge, et qui rappellent le couple. Ça a été très agréable pour nous qui sommes comédiens d'aborder le corps de cette façon. C'est ce qui fait que les gens apprécient aussi le spectacle et se sentent touchés, je crois. Il y a quelque chose d'assez universel dans ce langage corporel.
En voyant la pièce et ces différents tableaux, les spectateurs s'identifient forcément...
Amaury de Crayencour : Léonore Confino a écrit une première version de ce texte quand elle avait 30 ans. Elle n'avait pas d'enfants à l'époque. Elle l'avait appelé Ring simplement. Sami Bouajila et Audrey Dana l'avaient jouée au théâtre de la Porte Saint-Martin il y a 15 ans. Maintenant Leonore Confino est dans la quarantaine et elle a deux enfants. Elle s'est dit que si elle devait parler du couple aujourd'hui, elle en parlerait autrement. Donc, elle a réécrit son texte et elle l'a appelé Ring, variations du couple. Le public se retrouve forcément. A un moment, il y a deux meilleurs amis qui se mettent ensemble. Les jeunes se retrouvent dans ce genre de scènes-là. Elle parle de la thérapie de couple, des nuits sans sommeil quand on a des enfants en bas âge. Ça rappelle forcément des souvenirs à plein de spectateurs ! C'est vrai qu'à tout âge, ce spectacle peut créer des émotions. Il y a un comme un côté déjà vu. On est toujours ravis d'entendre dans la salle des rires de complicité, parce que les gens ont déjà vécu certaines situations.
Y-a-t'il d'autres textes sur le couple qui vous ont accompagné pendant la création et la tournée de Ring ?
Amaury de Crayencour : Julie Gayet m'avait offert Le Prophète de Khalil Gibran. C'est un livre magnifique ! Je l'ai lu avant le spectacle. Il y a une idée que j'aime beaucoup dans ce roman qui dit que les parents sont un arc, que les enfants sont une flèche et que le but, c'est de tendre le plus l'arc pour que la flèche aille le plus loin possible. C'est très beau. J'aime aussi beaucoup les chansons de Ben Mazué. Il est très fort pour parler d'amour et du couple.
Vous semblez épanoui autant sur scène que sur les plateauxde tournage...
Amaury de Crayencour : J'ai la chance de pouvoir naviguer d'un univers à l'autre. Après une grosse expérience de théâtre, j'aime bien tourner un peu. Les prochaines expériences seront donc derrière la caméra.J'ai joué dans le premier film d'Ahmed Sylla, L'Infiltrée. Il sortira le 11 février. C'est l'histoire d'un petit flic de la police scientifique joué par Ahmed qui, pour infiltrer un gang de femmes, va devoir se grimer en femme. Je joue le lieutenant Duval, qui est complètement fan de sa patronne incarnée par Michèle Laroque. C'est un duo de flics un peu nul et c'est très marrant. J'étais ravi de retrouver Michèle Laroque avec qui j'avais fait L'heureuse élue. C'est la même production. Quand un producteur, un réalisateur ou un metteur en scène est fidèle, je trouve ça toujours génial.
J'ai aussi joué dans En viager de Wilfried Meance. Fadily Camara et Jean-Pascal Zadi sont en couple et ont des difficultés pour se loger. Elle trouve cette idée de viager et elle signe un contrat avec Josiane Balasko qui fait comme si elle était à l'article de la mort. Moi je suis son gigolo. Au début on pense que je suis juste son assistant qui est là pour l'aider pour sa fin de vie. Mais Fadily Camara et sa copine interprétée par Tiphaine Daviot ont un doute et en allant dans le quartier, voient Josiane et moi en train de partir pour jouer au golf. Elles vont alors essayer de récupérer ce contrat de viager parce que Josiane Balasko les a arnaquées...
Au cinéma ou à la télévision, vous jouez souvent dans des comédies, contrairement au théâtre.... C'est un choix de votre part ?
Amaury de Crayencour : J'aime mon travail et j'ai la chance de naviguer d'un univers à l'autre mais c'est vrai qu'en ce moment je suis plutôt dans la comédie. J'aime bien quand quelqu'un me rappelle. Je trouve ça toujours tellement chouette que je dis oui avant même de lire. Du coup, je ne suis pas dans le calcul. Je ne me dis pas que j'ai fait trop de comédies et qu'il faudrait que je fasse quelque chose de sérieux. Je lis des choses, je vois avec qui ça va se passer et puis j'y vais ! En ce moment, c'est vrai que je fais plutôt des comédies. J'aime beaucoup faire rire.
J'ai la chance aussi pour l'instant d'incarner des rôles qui me permettent de passer du temps avec ma famille. C'est quand même ma priorité ! Je fais plein de projets passionnants mais la taille des rôles me donne assez de temps pour être très présent auprès de ma famille. La tournée de Ring est très cool parce que déjà sur nos 44 dates il y en a un tiers en région parisienne et puis quand on part en tournée, on n'est pas sur les routes pendant des mois. On part 2 ou 3 jours et on revient toujours à la maison. Ma situation actuelle me convient parfaitement parce qu'elle me permet vraiment de concilier une vie de famille très épanouie et puis un parcours professionnel qui me satisfait. C'est une période assez rêvée, j'avoue !
Je viens de terminer la série Soeurs de Julie Rohart, avec Lola Dewaere et Nicolas Gob notamment. On a tourné à Strasbourg et j'ai pu emmener mon fils sur le tournage un jour où je n'avais pas trop de travail. Quand je peux, j'aime bien que mes enfants (ils ont six et huit ans) voient l'envers du décor. Je les ai aussi emmenés au théâtre. Il savent ce que sont les coulisses, ce qu'est une représentation théâtrale. Ils comprennent le travail que je fais. Je trouve que c'est important.
Ils vous ont déjà dit qu'ils voulaient faire le même métier que vous ?
Amaury de Crayencour : Mon fils fait du théâtre depuis deux ans. Il veut être acteur. Quand on lui pose la question de ce qu'il veut faire plus tard, c'est clair dans sa tête pour l'instant. C'est un peu normal car ma femme est aussi comédienne. Il voit ses parents qui vivent leur métier avec passion, je comprends donc son envie.
Comme votre fils, votre envie d'être comédien est arrivée tôt ?
Amaury de Crayencour : Non pas aussi tôt ! Contrairement à lui, mes parents n'étaient pas du tout dans ce métier. J'ai découvert le théâtre un peu par hasard à 17 ans quand j'étais en pension à Rouen. Mon professeur de lettres animait le soir une troupe de théâtre. Comme il manquait le rôle le rôle de Dieu dans Le Visiteur d'Eric-Emmanuel Schmitt, il m'a proposé de participer à la pièce. En pension, le soir, on est un peu désœuvrés : une fois qu'on a fini les devoirs et qu'on attend le dîner, on ne sait pas trop quoi faire. J'ai accepté le rôle en me disant : pourquoi pas ?
La rencontre avec les planches a été vraiment immédiate c'est-à-dire que j'ai eu cette sensation d'être chez moi sur scène vraiment de façon violente et définitive. Après ces deux années en pension à Rouen, je suis rentré à Paris et les choses étaient vraiment très très claires pour moi : il n'y avait pas d'autres options possibles. Après, j'ai été admis en hypokhâgne. J'ai adoré cette année-là : on lit, on apprend plein de choses, les profs sont tous passionnés. Le soir, quand je rentrais à la maison, j'allais sur mon ordinateur et je recherchais des annonces de casting. Tout d'un coup, je me rendais compte qu'il y avait plein de choses à faire. J'ai commencé très modestement. Mon premier boulot, ça a été une pub pour Castorama. Après j'ai fait du doublage. Mais au bout de 3 ans, je me suis dit qu'il me fallait une vraie formation vraiment solide. C'est ce qui me manquait. J'ai passé une audition pour le centre de formation d'apprentis comédiens d'Angers et c'est là que tout a vraiment démarré.
Quand je suis sorti de l'école, Alexis Michalik m'a pris dans Le porteur d'histoire que j'ai joué pendant 7 ans. J'ai eu de la chance car j'ai rencontré les bonnes personnes. Un soir, pendant que je jouais Le porteur d'histoire, Eric Rochant est venu nous voir et il m'a pris dans Le bureau des légendes. De la même façon, Tristan Petitgirard m'a pris dans La machine de Turing que j'ai joué pendant 6 ans et avec lequel on a décroché plusieurs Molière. J'ai eu dans mon parcours de jolis rebonds et de jolies rencontres avec des gens qui ont été importants pour moi et j'ai la chance que ça continue.




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