T'as pas changé : interview de Jérôme Commandeur et Laurent Lafitte
- Laurence Ray
- 24 oct.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 oct.
En ouvrant la 7e édition du festival Cinéroman de Nice qui s'est tenu il y a quelques jours, Jérôme Commandeur a réussi la mission de toucher et de faire rire le public avec son dernier film T'as pas changé. Un titre qui fait évidemment penser à la chanson de Patrick Bruel « Place des Grands Hommes » et qui résonne chez tous ceux qui approchent de la cinquantaine. Les trois personnages de ce film très réussi ont précisément 48 ans. Ils se sont connus au lycée, et, à l'occasion de l'enterrement de l'un de leurs amis, ils vont être amenés à faire le point sur leur vie et sur leurs échecs. Ces trois amis, autrefois les plus populaires du lycée, ont bien changé depuis les années 90. Jérôme Commandeur s'est offert le rôle du personnage le plus déprimé, qui subit sa vie, cohabitant avec sa fille, son ex-femme, son nouveau copain et la mère de celui-ci. Pour compléter le trio, il a fait appel à François Damiens et Laurent Lafitte. Les trois hommes étaient présents à Nice lors du Festival Cinéroman. Nous avons pu rencontrer Jérôme Commandeur et Laurent Lafitte à l'hôtel Négresco avant la projection au Pathé Gare du Sud.

Jérôme, comment est née cette histoire de retrouvailles d'une bande de copains qui se sont connus au lycée dans les années 90 ?
Jérôme Commandeur: Mes producteurs Dimitri Rassam et Richard Grandpierre m'avaient proposé cette idée de film de retrouvailles. Au début, j'avais simplement en tête le fait que ces personnages allaient se retrouver, faire une fête, se dire « t'as pas changé ». Puis pendant ces cinq dernières années, à tous les niveaux, j'ai été un peu débordé, ne sachant plus quelles étaient les priorités, avec des amis qui s'en vont définitivement, que la vie nous retire... Je me suis alors dit que cette histoire de retrouvailles m'intéressait si elles étaient l'occasion de se questionner sur le fait d'avoir 50 ans, de s'en prendre plein la figure, et d'être un peu perdu, alors que normalement, c'est un âge où on devrait être installé et serein dans sa vie. Quand j'ai pensé que je pouvais lier cet état d'angoisse, ces 50 ans, et ces retrouvailles, je me suis dit que le film allait commencer à prendre corps.
Comme beaucoup d'hommes et de femmes de cet âge-là, vos personnages dans le film ont quelque peu du mal à avancer dans la vie....
Jérôme Commandeur : C'est exactement ça. Ils ont tous la difficulté de ne pas réussir à tourner une page de leur vie. Ca nous est tous arrivé de trouver qu'on s'encroûte, qu'on ressasse le passé.. Ça peut être quelque chose de professionnel, un amour passé, un statut qu'on n'a plus, pour plein de raisons différentes. Je trouve cela très intéressant, parce que c'est à la fois pathétique, drôle, et en même temps, terriblement humain et bouleversant.
Laurent, dans le film, vous interprétez Hervé, alias, Babilou, un chanteur qui a connu son heure de gloire...
Laurent Lafitte : Oui, il a connu son heure de gloire, comme pas mal de chanteurs des années 90. Ce que j'aime bien dans ce personnage, c'est qu'il sait quand même où il en est. Il essaie de continuer à profiter du succès qu'il a eu à cette époque-là, mais il est quand même assez conscient de son parcours, de ce qu'il n'a pas réussi à mettre en place. En revanche, ce dont il n'a pas vraiment conscience, c'est de qui il était quand il était au collège. Ça, ça m'intéresse beaucoup parce que je pense qu'au collège, il n'y a pas uniquement les harceleurs, ceux qui sont harcelés, et les autres. C'est un moment très dur dans la vie. Soit on participe de manière passive à une forme de harcèlement, soit on en est la victime, soit on en est l'instigateur. Mais en tout cas, c'est assez tranché. Il se rend compte uniquement maintenant de qui il était au lycée. Je trouve ce regard rétrospectif très intéressant.
Dans le film, Babilou a un véritable look....
Laurent Lafitte : C'est vrai que c'est un personnage qui passe beaucoup par le look. Cette coiffure, son perfecto, sa tenue le caractérisent bien. Jérôme a écrit des chansons pour mon personnage très drôles, enfin suffisamment nulles pour être drôles et suffisamment drôles pour être crédibles. Ca, c'était agréable. Puis il fallait, comme d'habitude en comédie, éviter la caricature et essayer de défendre le personnage avec le plus de sincérité possible.
Avez-vous puisé dans vos souvenirs d'adolescence pour écrire le film ?
Jérôme Commandeur : J'avais bien sûr des souvenirs des années 90, c'est-à-dire les t-shirts bariolés rentrés dans le pantalon, les jeans neige, les doc martens, la dance qui fait cracher les enceintes des chaînes Hi-Fi. Ça, c'est effectivement des souvenirs totalement personnels. Le pavillon où habitent Catherine Allégret et Rufus, les parents du personnage de Laurent, c'est exactement le plan du pavillon de mes parents. Mais je me suis plus servi de nous, aujourd'hui, de ce truc de ne pas savoir comment faire avec la vie pour construire ces quatre personnages.
Dans le film, ces trois hommes sont différents. Comment les avez-vous construits ?
Jérôme Commandeur : Le personnage de Laurent, je le voulais très en gueule, très leader. Il revient, il parle sans arrêt de sa notoriété. François est un peu le second qui opine. Quand les hommes politiques font un meeting, il y en a toujours un qui opine. François, c'est celui-là. Et moi, j'étais vraiment le petit caliméro derrière, qui suit et qui morfle. Je crois que tout le monde a trouvé sa place naturellement.
Et il y a le personnage de Vanessa Paradis...
Jérôme Commandeur : Elle vient en contrepoint. Elle est un peu extérieure au trio. Enfin,c'est plutôt un duo plus un. Vanessa a été, comme à son image, extrêmement pro, subtile, élégante. J'aime bien quand on me dit qu'elle se déploie dans le film. J'aime bien cette idée de la chrysalide. Elle aussi fait le pont entre ces deux époques, entre la réalité et la fiction.
Le film montre les tournées 90's. Vous avez fait appel aux chanteurs de l'époque, Lââm notamment...
Laurent Lafitte : Oui, c'était marrant parce que déjà, ça rendait tout le reste crédible. Et puis, s'ils sont venus, c'est parce que le regard de Jérôme n'était pas du tout moqueur sur ce répertoire-là. C'était très sympa. On a bien rigolé. Ce qui était beau à voir, c'était le rapport très simple qu'ils ont à leur parcours, à là où ils en sont maintenant, à ce qu'ils restent à faire avec ce qu'ils ont construit. Les gens aiment ces chansons. Maintenant, ce n'est plus le même succès. Mais ce qui est génial, c'est de continuer à partager des chansons que les gens ont aimées et qui leur rappellent des choses. Et s'ils se produisent dans des salles de 500 places et plus de 6000, c'est déjà extraordinaire que ce soit encore leur métier. Je pense qu'ils sont dans ce rapport-là à leur métier. Et c'était assez beau à voir, finalement.
Vous avez sensiblement l'âge de vos personnages. Qui étiez-vous au lycée ? Comment les autres vous percevaient-ils ?
Laurent Lafitte : J'ai arrêté l'école tôt, à 16 ans, en seconde. J'ai enchaîné tout de suite dans l'école de théâtre et j'avais déjà commencé à tourner. J'étais presque déjà comédien donc je n'ai pas vraiment de souvenir de lycée mais j'ai des souvenirs de collège où j'étais plutôt dissipé. J'avais envie de provoquer de l'adhésion par l'humour et en même temps, je n'avais pas tellement confiance en moi. C'était un peu contradictoire. Donc, je pense que j'en faisais un peu trop ! Mais c'était des années plutôt sympathiques.
Jérôme Commandeur : Moi, j'étais très affairé, ce que je trouve ridicule aujourd'hui. J'aimerais dire au gamin de 17 ans que j'étais : « Profite, va voir tes potes. Tu as juste à étudier un peu. C'est quand même cool, tu es chez papa et maman ». Je me souviens d'une espèce de zébulon qui n'arrêtait pas. Je me dis que j'étais déjà complètement névrosé !
T'as pas changé de Jérôme Commandeur avec Laurent Lafitte, François Damiens, Vanessa Paradis, Jérôme Commandeur...au cinéma le 5 novembre.




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