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Antoine Duléry lit entre les lignes : interview

  • Laurence Ray
  • il y a 6 jours
  • 7 min de lecture

Antoine Duléry lit entre les lignes, tel est le titre du nouveau spectacle de ce comédien toujours très apprécié du public. Au cinéma, il a joué dans une cinquantaine de films, a tourné plusieurs fois sous la direction de Claude Lelouch, a marqué les esprits pour son rôle dans Camping, pour ne citer que ces films-là. A la télévision, il a été notamment le commissaire Larosière dans Les petits meurtres d'Agatha Christie, la série à succès de France 2. Au théâtre, il a joué dans des grands classiques mais aussi dans des comédies. Seul sur scène, il aime à partager avec le public son amour pour le cinéma, en se livrant à d'incroyables imitations de Belmondo, Delon et tant d'autres grands noms du cinéma.

Avec Antoine Duléry lit entre les lignes, c'est à un spectacle bien différent des précédents qu'il convie les spectateurs. Passionné de littérature, il les embarque dans un voyage littéraire interactif. Tout un programme ! Le 7 novembre, sa tournée fera étape aux Arts d'Azur du Broc. Contacté par téléphone, il nous a parlé avec beaucoup d'enthousiasme de ce spectacle qui, à coup sûr, ravira aussi bien les férus de littérature que les autres.

Antoine Duléry lit entre les lignes affiche

Votre nouveau spectacle s'intitule « Antoine Duléry lit entre les lignes ». Il ne s'agit pas d'une lecture mais d'un voyage littéraire auquel vous conviez le public...

Antoine Duléry : Exactement ! C'est un spectacle que j'ai vraiment beaucoup de plaisir à jouer parce que je suis accompagné avec tous ces copains auteurs merveilleux. C'est comme si je recevais le public dans mon salon. D'ailleurs, je commence le spectacle en disant aux spectateurs que je suis très heureux de les recevoir chez moi. Il y a une bibliothèque avec plein de livres. C'est pas comme ça chez moi, mais ça y ressemble un peu ! Je récite, je lis évidemment beaucoup de textes de grands auteurs, mais je ne suis pas derrière un pupitre. Je dis au public que nous allons voyager ensemble. C'est un spectacle immersif, jouissif, interactif. Donc, on ne s'ennuie pas une seconde. Je lis, je vais dans la salle, je fais intervenir les gens, en les faisant lire, et, à la fin, en leur faisant écrire une phrase qui sera découverte par tout le monde et par moi-même. C'est une phrase qui n'aura jamais été écrite, la première phrase d'un roman qui n'existe pas. Je fais aussi quelques imitations. C'est un spectacle très joyeux !


Comment avez-vous choisi les textes que vous lisez sur scène ?

Antoine Duléry : Les textes que je lis sont tous reliés avec le monde d'aujourd'hui. Je lis de grands auteurs surtout des XIXe, XXe, XXIe siècle comme Francis Blanche, Marguerite Duras, Baudelaire. Je me balade dans des univers différents. Je parle aussi de tout ce qu'on ne lit pas, par exemple la chanson. On a trop souvent tendance à l'écouter, en passant à côté de très beaux textes. Je lis du théâtre, qui est plutôt fait pour être vu et entendu. Je lis du Raymond Devos. Malheureusement, ce qui est le plus lu aujourd'hui, ce sont les textos. J'imagine par exemple ce qu'écrirait Marcel Proust dans ses textos ! Je dis que les présentateurs de journaux télévisés ne sont pas des journalistes, mais des lecteurs, puisqu'ils lisent le prompteur. Je commence le spectacle en lisant une notice de médicaments, alors que les gens ne s'y attendent pas du tout, tout simplement parce qu'effectivement, tout ça reste du domaine de la lecture. Je parle des panneaux routiers, des annonces publicitaires, de plein de choses qui sont reliées au monde d'aujourd'hui. En fait, j'interroge les gens, tout en leur apprenant beaucoup de choses sur des thèmes de la littérature, même des règles grammaticales que je ne connaissais pas moi-même. On m'a dit que cet aspect de grand cours avait un côté très agréable. Certains spectateurs m'ont même avoué qu'ils auraient aimé avoir un prof de français comme moi !


Vous lisez des textes d'auteurs différents. Comment parvenez-vous à trouver un fil conducteur, pour passer de l'un à l'autre ?

Antoine Duléry : Ça, c'est tout le travail que j'ai fait avec mon co-auteur, Pascal Serieis, qui est aussi mon metteur en scène. On s'est appliqué à faire des passerelles avec le monde d'aujourd'hui. Par exemple, à un moment donné, j'imite le journaliste. Dans les journaux télévisés, il y a toujours un correspondant spécial qui parle légèrement en décalé. J'ai eu envie d'imiter ce type inconnu, ce correspondant spécial devant l'incendie de Notre-Dame-de-Paris, qui commente ce qu'il voit. Je dis : « Oui, bonjour, effectivement, je suis face à un terrible incendie. Il y a beaucoup de flammes, de fumée ! » Puis j'enchaîne en disant que ça manque un peu de poésie et que je préférais quand c'était Victor Hugo qui nous racontait l'incendie de Notre-Dame-de-Paris. Et là, je lis la description de Victor Hugo !


Ce qui fait la force des textes de Victor Hugo comme d'autres textes que vous lisez, c'est qu'ils sont intemporels et universels...

Antoine Duléry : Oui bien sûr ! Je parle aussi des textes qu'on n'a pas aimés quand on était jeune et qu'on adore plus tard. C'est normal ; à ce moment-là, on n'était pas disponible et l'envie n'était pas là. Quand la lecture est imposée, le charme est rompu. Il faut lire libre ! Comme exemple, je peux vous donner le poème de Paul Valéry, "Les pas". Plus jeune, je ne l'aimais pas parce que je ne le comprenais pas. Dans mon spectacle, je dis qu'à 17 ans, je préférais "Les faux pas" de Francis Blanche, et j'enchaîne alors sur lui.


Parmi les spectateur, à chaque représentation, il y a forcément des lecteurs et d'autres qui n'ont pas l'habitude de lire. Ceux-là sont peut-être surpris par votre spectacle, qui est différent des précédent...

Antoine Duléry : Bien sûr, certains ne savent pas ce qu'ils vont voir, d'ailleurs. Ils sont plutôt agréablement surpris, heureusement ! Mais au départ, ils savent que je fais plutôt de la comédie et pensent peut-être assister à un one-man show, alors que ce n'est pas ça. C'est complètement différent de ce que j'avais fait avec mon premier spectacle. Mais les gens se laissent embarquer. A la fin, quand je vais à la rencontre du public, j'entends souvent : « Ah, on ne savait pas ce qu'on allait voir, mais ça nous a vraiment plu. » Et puis, ça arrive aussi que des jeunes me disent : « Franchement, ça m'a donné envie de lire». Parfois, les textes que j'ai choisis sont tellement beaux que les gens ne peuvent qu'être touchés. J'ai souvent des questions après les représentations. On me demande : « C'était quoi, le texte, là ? Ah, je vais le relire. ». Les textes des grands auteurs touchent tout le monde et la beauté est universelle.


Parmi les auteurs que vous lisez, quels sont ceux que vous aimeriez que les gens aient envie de découvrir ou mieux connaître ?

Antoine Duléry : Valéry, mais aussi Victor Hugo, Baudelaire. Les Fleurs du mal, c'est quand même absolument sublime. J'adore Proust. Pendant le spectacle, je demande au public ce qu'a mangé le petit Marcel. Ca fait rire les gens ! Michel Bouquet disait : « les gens ne viennent pas au théâtre pour vous regarder jouer. Ils viennent jouer avec vous ». Eh bien, en ce qui me concerne, les gens jouent avec moi !


Vous parliez tout à l'heure d'une phrase écrite par les spectateurs lors de chaque représentation. C'est-à-dire ?

Antoine Duléry : C'est le principe des cadavres exquis inventés par les Surréalistes. On met un sujet, un adjectif, un verbe, un complément et ça donne par exemple : le chat roux mange des croquettes vertes. Chaque soir, j'ai une phrase différente. C'est la première phrase d'un livre qui n'existe pas. Parfois, elle est bête, parfois elle est sublime. J'improvise avec la phrase qu'on me donne. C'est ça qui est génial. Comme j'imite Luchini en train de la lire, on peut partir dans le délire le plus total. Ce qui me fascine, c'est toutes ces histoires qui n'ont pas encore été racontées, toutes ces phrases qui germent dans les cervelles de gens. C'est pourquoi Je fais écrire aux gens une phrase que personne n'a jamais lue et que je découvre. C'est un des moments du spectacle que j'adore.


Et puisqu'on parle littérature, quels sont vos derniers coups de cœur littéraires ?

Antoine Duléry : Je suis toujours ému devant une bibliothèque. En ce moment, je lis un livre passionnant, L'ami Louis de Sylvie Le Bihan. C'est l'histoire de l'auteur Louis Guilloux et de sa rencontre avec Camus. Il parle aussi toute de cette époque littéraire de Camus, Sartre, Saint-Germain-des-Prés. Louis Guilloux se partageait entre Paris et Saint-Brieuc, ville que je connais très bien ! Je lis beaucoup en ce moment cet auteur, notamment son chef d'oeuvre, Le Sang noir. Louis Guilloux était moins connu que Camus et Malraux et pourtant il était très ami avec eux. Il est mort en 1980. Sinon, je lis et je relis toujours Georges Simenon qui est pour moi un génie absolu. Il a écrit 350 livres. On ne lit pas à 20 ans comme on lit à 50. Je me souviens qu'au lycée il fallait que je lise Nana de Zola. Je m'étais ennuyé à l'époque. Je l'ai relu récemment et je l'ai trouvé sublime.


Quand vous lisez, vous êtes du genre à arrêter un livre si vous ne l'aimez pas ou vous vous forcez à aller jusqu'à la fin ?

Antoine Duléry : Si je n'aime pas, si je m'ennuie, j'arrête. Par contre, je lis plusieurs livres en même temps. Ca, j'adore. J'en ai plein sur ma table de chevet. J'aime bien passer d'un livre à un autre et je lis plein de choses différentes. Ça peut être des BD, des romans anciens. Quand je rentre dans une librairie, je ne peux pas m'empêcher d'acheter deux ou trois livres. C'est une maladie chez moi ! J'aime l'objet livre. Je n'aime pas les tablettes.


Vous êtes en pleine tournée avec ce spectacle. Vous reste-t-il du temps pour des tournages ?

Antoine Duléry : Oui, j'ai fait deux films pour le cinéma, Somnambule avec la bande à Fifi et De la tess à la messe aux côtés notamment de Jamel Debbouze et Josiane Balasko. La tess c'est la cité en verlan ! J'ai aussi trois films pour la télévision, dont un avec Arnaud Ducret, et une série qui s'appelle Haute saison. Et puis, j'ai aussi des projets au théâtre. Je suis bien occupé pur un homme de presque 66 ans ! Je continue à tourner, à être désiré, surtout par de jeunes réalisateurs. C'est très agréable ! Comme disait Frédéric Dard, « la mort est une maladie qu'on attrape à la naissance ». D'ailleurs, dans mon spectacle, je cite une magnifique fable de La Fontaine, qui s'appelle "La Mort et le Mourant".


Décidément, avec Antoine Duléry, on en revient toujours à la littérature ! Pour découvrir ou redécouvrir d'autres textes de grands auteurs dans un voyage littéraire interactif plein de surprises, rendez-vous donc aux Arts d'Azur du Broc vendredi 7 novembre à 20h30.

Pour réserver : www.lesartsdazur.net

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