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"J'aurai 14 ans toute ma vie" : interview de Sheila O'Connor

  • Laurence Ray
  • 5 juil.
  • 7 min de lecture

La Boum, le film de Claude Pinoteau est sorti en 1980 et, au fil des années, il est devenu culte pour des générations de spectateurs. C'est Sheila O'Connor qui interprétait la dynamique et souriante Pénélope, la meilleure amie de Vic. Elle avait quatorze ans quand le film est sorti et c'est un peu comme si le temps s'était arrêté pour elle. Pendant des années, Sheila O'Connor a été associée à La Boum et à Pénélope, dans l'esprit du public mais aussi souvent dans celui du monde du cinéma. La comédienne, devenue aussi scénariste, a eu envie de raconter son parcours et son histoire dans une pièce de théâtre intitulée très justement "J'aurai quatorze ans toute ma vie". Elle sera au Festival d'Avignon, dans le Off, du 5 au 26 juillet au théâtre Essaïon. Nous l'avons contactée par téléphone quelque jours avant la première.


Le grand jour approche. Quels sentiments éprouvez-vous à quelques jours de la première ? Etes-vous stressée ?


Sheila O'Connor : Ce n'est pas le mot stress, c'est plus une vraie envie. A Avignon, il y a tellement de spectateurs qu'on espère qu'ils vont venir dans notre salle. Il y a une concurrence assez dingue pendant le Festival ! C'est particulier pour moi parce que je ne suis pas une comédienne de théâtre, je suis une comédienne plutôt de la télé et du cinéma. J'ai joué Marivaux en 2023, mis en scène par Philippe Calvario. C'est lui qui met en scène J'aurai 14 ans que toute ma vie.


Le titre de la pièce résume tellement bien ce que vous avez vécu avec La Boum.


Sheila O'Connor : J'avais le titre en tête depuis très, très longtemps. Tous mes amis me disaient : « il faut que tu écrives ta vie ». Quand j'ai donné le titre à Philippe, il m'a dit : "écoute, je suis là, rien que le titre déjà, ça me plaît. Donc, si jamais tu te sens d'écrire et que ça me plaît, je te mets en scène et je te produis". Et ça lui a plu tout de suite ! J'étais hyper motivée d'écrire l'histoire, parce que j'avais tout ça en tête depuis des années.


Le spectacle raconte votre parcours. Vous l'avez écrit avec beaucoup de sincérité...


Sheila O'Connor : Je raconte toute une vie. Je raconte vraiment d'où je viens, qui se cachait derrière Pénélope de La Boum parce que tout le monde croyait que j'étais une petite jeune fille pétillante alors que ce que je vivais vraiment à la maison n'était pas facile. Ce que raconte le spectacle, c'est vraiment "battons-nous, croyons en nous, essayons d'avancer, même quand il y a des épreuves et ne lâchons jamais l'affaire !" Il faut apprendre à faire avec et à garder une espèce d'envie de la vie, malgré tout ce qui peut nous arriver. Dans la pièce, je parle beaucoup du sourire que j'affiche toute le temps dans La Boum. On le voit d'ailleurs de la crèche à aujourd'hui ! La crèche, bien sûr, c'est une image ! Qu'est-ce qui se cache derrière un sourire ? C'est vraiment la question que je pose. Est-ce que c'est un réflexe de défense ? Ou est-ce qu'il signifie qu'il faut apprendre à s'émerveiller toute sa vie ? Dans la pièce, je pose ce genre de questions.

La Boum est devenu un film culte. Vous êtes dans le coeur de plusieurs générations de spectateurs...


Sheila O'Connor : La Boum a eu du succès grâce au bouche à oreille. Alors, je me dis, pourquoi pas 45 ans plus tard ? J'ai un public particulier qui a beaucoup d'empathie pour moi. Je croise souvent des gens qui continuent à me demander quand on va me voir.


Le fait d'être toujours associée à Pénélope a dû être parfois pesant...


Sheila O'Connor : C'est ça que je raconte dans la pièce. A un moment, je n'en pouvais plus de Pénélope ! Vraiment, je n'en pouvais plus. En arrivant à la quarantaine, je l'ai vraiment amadouée. Je me suis rendue compte du plaisir qu'elle déclenchait chez les gens et je me suis réconciliée avec elle. Mais quand j'avais 20 ans, 30 ans, je ne la supportais plus. D'ailleurs, c'est ce qu'on raconte dans la pièce. À un moment donné, on se dispute avec ma jeune partenaire parce que je lui dis « Je veux te voir disparaître. Je veux être anonyme. » Et aujourd'hui, c'est complètement différent. C'est un autre point de vue parce que quand on a passé un certain âge, on se dit « C'est quand même sympa d'avoir appartenu à cette génération, d'avoir un peu fait rigoler les gens, laissé un doux souvenir. » Mais il y a eu la période où j'avais envie de disparaître. Je sortais avec chapeau, lunettes, même l'hiver. Parce que ce n'était pas simple ce que je traversais dans ma vie. Je ne voulais pas faire de photos ou signer des autographes. D'ailleurs, il y a un petit sketch là-dessus dans la pièce. Pour les gens du métier, j'ai carrément été has been à un moment. C'était très violent pour moi. J'étais très jeune, j'étais déjà has been ! On m'appelait toujours pour le même rôle. Et c'était d'une violence ! C'est pour ça que je me suis retirée à un moment donné du métier. J'en pouvais plus. Je me suis mise à la plume. J'aurais pu sombrer. Je connais des comédiennes qui ont mal fini parce qu'on ne les appelait plus. Il faut une force de caractère. J'ai cette chance.


Pendant une partie de la pièce, vous n'êtes plus seule sur scène. Il y a une autre comédienne qui vous accompagne et qui interprète la jeune femme que vous étiez...


Sheila O'Connor : Au départ, je devais être seule. J'avais d'abord pensé à des écrans, parce qu'on voulait mettre un filtre jeunesse pour que je puisse m'adresser à la jeune fille que j'étais. Puis, on a fait appel à une jeune femme, une comédienne qui s'appelle Bertille Mirallie. J'ai vu une petite dizaine de jeunes femmes, et quand j'ai rencontré Bertille je me suis retrouvée tout de suite en elle. On a la même énergie, le même pouvoir comique, la même émotion, parce qu'on est sensibles toutes les deux. Sa présence rend la pièce beaucoup plus théâtrale et beaucoup plus intéressante ! On a donc retravaillé le texte pour l'adapter beaucoup plus à Bertille, et elle est rentrée dedans en y mettant toute son âme. C'est vraiment beaucoup de joie de travailler avec elle.


C'est un dispositif très intéressant...Dans la vie, on aimerait tous s'adresser à la personne qu'on était, plus jeune, pour la prévenir, la mettre en garde contre certaines choses ou certaines personnes...


Sheila O'Connor : J'ai 59 ans, est-ce que j'ai envie de croiser la bonne femme de 80 ans de mon futur ? Je n'en sais rien, mais quand on a 20 ans, je crois que ça peut nous intéresser de rencontrer la bonne femme de 40 ans, par exemple. Moi, je m'adresse à la jeune fille que j'étais. J'ai rencontré des directeurs de production, des directeurs de casting. Quand c'était des gens qui se tenaient très bien, ça ne posait aucun problème, et c'était très respectueux. Mais il m'est arrivé de tomber sur des sacrés véreux, quand même....


La pièce va forcément attirer tous ceux qui ont connu La Boum, des spectateurs de 40-50-60 ans. Les jeunes connaissent moins le film...


Sheila O'Connor : Dans la pièce, Il y a beaucoup de musique, beaucoup de vidéos. C 'est assez amusant pour les gens de me voir sur scène aujourd'hui avec mon grand âge et de voir des images la gamine que j'étais à l'époque ! Je pense que les gens vont vraiment apprécier d'entendre des musiques de cette époque. C'est assez pêchu comme spectacle.

Quand on a fait la sortie de résidence en juin, dans le public, il y avait énormément de jeunes. Et quand le spectacle s'est fini, on s'est retrouvés à discuter un petit peu tous ensemble. Et ils m'ont dit qu'ils avaient adoré la pièce même s'ils n'avaient pas la référence. C'est vraiment un texte universel. C'est la résilience, mais version assez comédie avec de vrais moments d'émotion. Des jeunes d'une vingtaine d'années se sont retrouvés, dans leurs rapports avec leurs parents quand ils étaient adolescents. Moi, je n'ai pas envie qu'il n'y ait dans le public que des aficionados de La boum. J'ai vraiment envie qu'il y ait des gens qui viennent voir un spectacle et qu'ils soient touchés dans leur cœur et qu'ils partent avec la banane. Je les secoue un peu quand même ! Ce n'est pas profondément une comédie. On rit beaucoup mais parfois on rit jaune.


La Boum est sorti dans les années 80. C'était forcément une autre époque...


Sheila O'Connor : Il y avait une liberté qui a vraiment disparu. Et là, les jeunes ne s'en rendent pas compte parce que nous, on l'a connue. Même s'il y avait des difficultés, il y avait une espèce de liberté, d'espoir, de mouvement vers l'avant qu'il n'y a plus. Et on n'était pas blasés. On était un peu naïfs. On n'avait pas peur de découvrir quelque chose de nouveau. Il y avait quelque chose de plus authentique, je trouve. Même dans les moments graves, certains chanteurs, danseurs, comédiens, ou même journalistes, osaient dire des choses à la télévision. Aujourd'hui, ce ne serait plus possible. La culture, en plus, s'en prend plein la tête en ce moment. Il y a plein de subventions qui sont supprimées, notamment pour des festivals de musique et de théâtre. Et là, c'est une catastrophe. C'est vrai que plus il y a de la culture, plus les gens ont un libre arbitre, une finesse d'esprit, une envie de comprendre et de poser des questions. Moins il y a de culture, plus, malheureusement, ça rend les gens un petit peu anesthésiés.


Vous venez d'obtenir le prix de l'Adami déclencheur pour votre spectacle. Qu'est-ce que cela signifie ?


Sheila O'Connor : J'ai eu l'Adami déclencheur en tant qu'auteur-interprète. C'est un prix prestigieux. J'ai eu une petite bourse d'écriture et ensuite une bourse de production et de diffusion. C'est-à-dire que, par exemple, les salaires de ma partenaire et moi vont être payés par l'Adami à Avignon. J'ai aussi obtenu le fonds théâtre SACD. Je ne m'y attendais pas. C'est un super cadeau ! Je suis populaire dans le sens pas péjoratif du mot. Je m'adresse aux gens vraiment directement. Et ça a été un des critères de la SACD.


Après Avignon, la pièce va-t-elle partir en tournée ?


Sheila O'Connor : On va aller dans un festival dans la Sarthe en août. Après on verra mais moi, je sens qu'on va avoir pas mal de dates en province parce que mon public, il est quand même plus en province qu'à Paris !


"J'aurai quatorze ans toute ma vie", écrit et interprété par Sheila O'Connor avec aussi Bertille Mirallié, mise en scène de Philippe Calvario.


J'aurai quatorze ans toute ma vie Sheila O Connor affiche












































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