Des jours meilleurs : rencontre avec la réalisatrice Elsa Bennett et Michèle Laroque
- Laurence Ray
- 21 avr.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 avr.
Dans Des jours meilleurs, le film qu'elle a coréalisé avec Hippolyte Dard, Elsa Bennett suit trois femmes admises en cure de désintoxication. Chacune est là pour surmonter son alcoolisme. Suzanne (Valérie Bonneton) a perdu la garde de ses enfants depuis qu'elle a eu un accident de voiture causé par l'alcool. Alice (Sabrina Ouazani) est habituée à boire lorsqu'elle fait la fête. Quant à Diane, (Michèle Laroque), elle est une actrice qui a tendance à boire plus que de raison et qui se demande ce qu'elle vient faire dans ce centre au milieu des autres femmes.
Nous avons rencontré Elsa Bennett et Michèle Laroque au Pathé Gare du Sud, lorsqu'elles sont venues présenter le film en avant-première à Nice.

Dans le film, vous incarnez une femme alcoolique. Comment vous êtes-vous préparée pour aborder un tel rôle ?
Michèle Laroque : Je suis très heureuse de représenter un personnage qui a ce genre de vie, et de problèmes. C'est important aussi de mettre des noms sur ce qui arrive. Quand on est allés dans un centre pour préparer le film, ça m'a beaucoup choquée de voir qu'il y avait peu de femmes. Les hommes empêchent souvent les femmes d'aller faire des cures parce qu'il faut qu'elles tiennent la maison. On a passé une journée dans un centre avec des gens qui essayaient de perdre leur addiction et c'était très, très émouvant. C'est vraiment un honneur pour moi d'interpréter ce genre de femme.
Que vous ont appris ces femmes que vous a rencontrées ?
Michèle Laroque : Quand on est face à des gens qui sont allés au bout de leur autodestruction, c'est humainement une expérience extrêmement intéressante, parce que ça révèle un peu certaines choses que parfois on a voulu taire en nous. J'ai trouvé ces femmes très courageuses. Il y en avait une qui avait terminé sa cure et qui revenait la journée parce qu'elle disait que tout était fait dehors pour replonger. Ce sont des héros, ces femmes et ces hommes. C'est une lutte constante de chaque instant pour ne pas replonger. J'ai beaucoup d'admiration pour ces personnes.
Le film est quand même plein d'espoir et montre qu'il n'est jamais trop tard pour se reconstruire...
Michèle Laroque : Je crois vraiment ça en général, pas seulement pour des gens qui ont ce type de problème. On est dans une société qui fait qu'on a l'impression qu'on ne peut pas faire autrement que comme ci ou comme ça. En fait, on peut toujours faire autrement. Tout est possible.
Bande annonce du film "Des jours meilleurs"
Votre personnage est une comédienne. Au début, elle ne se sent pas à sa place dans ce centre...
Michèle Laroque : Elle essaie un peu de se donner une contenance en buvant parce qu'il y a des tas de choses qui ne se passent pas bien dans sa vie notamment avec sa fille. En arrivant dans ce centre, elle apporte une certaine fantaisie. Pour elle, la chambre, c'est une loge ! Elle ne se sent pas supérieure, mais pas loin, parce qu'elle vient d'un autre milieu d'artistique. Elle a l'impression qu'elle a connu d'autres choses alors que dans ces endroits, tout le monde est égalité. C'est comme à l'hôpital.
Le film prend parfois des allures de documentaire avec les discours de plusieurs femmes face caméra....
Elsa Bennett : Au départ, ça n'était pas prévu. Quand je suis allée faire le casting en Belgique, j'ai rencontré des actrices formidables et j'ai eu envie de les faire exister davantage dans le scénario et donc j'ai écrit à chacune une petite backstory. Je leur avais aussi demandé de faire des improvisations en casting. Et après, je me suis dit qu'il fallait mettre ça dans le film, autant pour ces personnages là que pour les trois comédiennes principales. L'idée, c'était qu'elles disent l'histoire de leur dépendance. Sur le tournage, elles ont eu droit à une prise chacune, toutes, pendant un quart d'heure, 20 minutes. Il fallait qu'elles libèrent la parole à la frontière du documentaire.
Le film oscille avec beaucoup d'intelligence entre légèreté et sérieux. Etait-ce une volonté dès l'écriture du scénario ?
Elsa Bennett : La comédie a été la crête un peu compliquée à amener dans l'écriture parce que l'idée, c'était de ne jamais rire de ces femmes ou du sujet. Cette comédie, il fallait l'amener vraiment dans les trajectoires des personnages. C'est vrai que c'était un peu plus de la comédie de situation que de la comédie dans les dialogues. Après, il y a eu aussi des improvisations sur le tournage, des choses qu'on a gardées et qui n'étaient pas non plus forcément écrites. Avec un groupe de femmes comme ça, il y a forcément des choses qui sortent, qui sont inattendues et qui fonctionnent très bien dans le film. Elles ont apporté, en plus de ce qui était écrit, des moments magnifiques qui sont nés des scènes.
Dans le film, ces femmes participent à un rallye dans le désert. Vous vous êtes inspirée du rallye des Gazelles ?
Elsa Bennett : En fait, pendant trois ans, on a été en contact avec le rallye des gazelles et après, on a décidé de créer notre propre rallye, mais on s'est beaucoup inspiré du rallye des Gazelles. On y est allés avec notre productrice, pour rencontrer aussi ces femmes qui ont des parcours incroyables. C'était vraiment très intéressant d'aller là-bas et de se rendre compte qu'il y avait quelque chose qui était au-delà de la performance physique du rallye, qu'il y avait des histoires humaines formidables. On s'est rendu compte que c'était un vrai parcours de femmes, de dépassement de soi, de changement de vie parfois, de prise de conscience, de solitude ou de rencontres.
Comment avez-vous imaginé ce trio entre ces trois femmes très différentes (Michèle Laroque, Valérie Bonneton, Sabrina Ouazani) ?
Elsa Bennett : Le casting s'est imposé très vite parce que chacune a lu très vite le scénario et a accepté de faire le film. Elles ont toutes les trois des personnalités physiques et humaines très différentes et donc c'était la promesse de friction, en même temps d'ouverture de l'une sur l'autre. Ca me racontait pas mal d'histoires d'avoir ces trois femmes qui pouvaient incarner ces personnages. Je trouvais que pour parler d'un sujet aussi sensible, c'était important d'avoir des comédiennes qui sont aimées et qui sont populaires. Ca aide aussi à faire passer un message et à aider les femmes à pouvoir s'identifier, parce qu'il y a déjà presque quelque chose d'acquis sur le sujet, grâce au casting.
Le film a été présenté au festival de l'Alpe d'Huez, où il y a de vraies comédies. Comment le public a-t-il réagi ?
Elsa Bennett : Le public a très bien réagi. Je crois que les gens ont été très touchés par le film, parce qu'on a reçu énormément de messages, même de la part du jury. C'est juste qu'on n'était pas forcément exactement à l'endroit de la comédie, mais en tout cas, ils ont été très touchés par le film, par la performance des acteurs, par la manière dont le sujet a été abordé. Et beaucoup de personnes sont venues vous voir, en larmes, après les projections. Il y a aussi tout ce qui se passe dans l'après, des gens qui témoignent, qui nous parlent de leur vie, de leurs combats. C'est vraiment très, très émouvant à vivre, parce que tout à coup, on se rend compte vraiment de l'impact du film dans la vie des gens. Peut-être que le film ouvre des perspectives sur la manière de se confronter au sujet.
C'est un sujet qui est très rarement abordé...
Elsa Bennett : Oui, c'est un sujet qui est encore très tabou, dans les familles, dans les entreprises. Personne n'en parle ; tout le monde le sait, mais on est dans les non-dit. On est dans la parole impossible. Et donc, c'est vrai que c'est très important que les aidants puissent être reconnus dans leur travail, que les femmes puissent avoir envie de décrocher leur téléphone, et que l'entourage, surtout, puisse aussi se rendre compte de la maladie. Il faut arrêter de penser que c'est une question de volonté, et qu'on peut s'en sortir seul. On a vraiment besoin d'avoir une main tendue.
Comment vous est venue l'envie d'aborder ce sujet ?
Elsa Bennett : C'était une histoire personnelle qui touchait quelqu'un de très très proche dans ma famille. Et donc, j'ai fait le film pour elle. C était très important pour moi d'en parler, même une nécessité. Ça m'a touchée personnellement, donc c'était forcément le premier sujet du film que je voulais écrire. C'était aussi important que l'alcoolisme soit considéré comme une maladie parce qu'à un moment donné, le produit prend le pas sur la volonté, sur le corps, sur l'envie de s'en sortir. Les malades alcooliques ne sont plus complètement libres de pouvoir choisir de sortir de leur addiction ou pas. Ils sont face à une dépendance qui est physiologique et contre laquelle ils ne peuvent pas lutter seuls. Donc, c'est très important de se rendre compte de ça.
Des jours meilleurs d'Elsa Bennett et Hippolyte Dard avec Valérie Bonneton, Michèle Laroque, Sabrina Ouazani, Clovis Cornillac au cinéma le 23 avril.

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