Cette exposition explore l'univers du bambou dans un ensemble culturel où s'agrègent l'histoire de l'archipel, de son art et de son rapport à la Chine.
Le visiteur découvrira des créations contemporaines avant d'appréhender les racines d'une tradition millénaire dans un récit qui s'articule autour de trois lignées d'artistes.
Naissance d'une avant-garde
Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux artistes japonais rompent avec les traditions et explorent de nouvelles voies d'expression. Cela donne naissance à un mouvement d'avant-garde qui se caractérise par l'utilisation de nouvelles techniques.
L'art de la vannerie de bambou change radicalement en produisant désormais des sculptures aux formes abstraites et non plus seulement des objets fonctionnels.
Certains artistes considèrent qu'il devient nécessaire de s'émanciper de l'influence des lignées héréditaires, des guildes et des écoles. Ces esprits libres, parfois autodidactes, s'engagent dans une voie nouvelle et repoussent les limites de cet art ancestral.
En 1956, Shono Shounsai (1904-1974) crée la première sculpture en bambou : un panier à fleurs nommé Doto (Vague déferlante) qui remporte cette année-là un prix à la prestigieuse exposition des beaux-arts du Japon. Dans les décennies qui suivent, l'accueil enthousiaste réservé aux pièces sculpturales par les collectionneurs et les érudits encourage certains artistes dans cette voie.
À partir des années 1980, le mécénat étranger, notamment celui des collectionneurs américains, accélère cette transformation car les œuvres non utilitaires sont particulièrement admirées et appréciées des occidentaux. L'art du bambou japonais acquiert une reconnaissance internationale qui ne cessera de croître.
Les artistes présentés dans cette exposition ont fait évoluer cet art du bambou en explorant de nouvelles techniques, de nouvelles thématiques mais aussi de nouveaux matériaux. Car passer de l'objet fonctionnel à la sculpture leur permet d'intégrer des matériaux jusque-là absents des pratiques. Bois, métal, ficelle, poudre d'argile, teintures de couleurs vives, feuille d'or, et autres se mêlent désormais au bambou.
L'émergence d'une avant-garde a permis à l'art du bambou de se libérer des traditions et d'inventer un nouveau mode d'expression, créant un art contemporain dynamique, innovant et reconnu.
Naissance d'un art : les pères fondateurs
Avec la fin du shogunat Tokugawa de l'époque d'Edo (1603-1868), puis pendant l'ère Meiji (1868-1912), Osaka, alors deuxième ville du Japon, compte de nombreux kagoshi (maîtres vanniers), dont la plupart sont des copistes de karamono (littéralement « choses chinoises »).
Leurs œuvres s'inspirent des paniers chinois sophistiqués. L'évolution de l'art de la vannerie se fait sous l'influence des bunjin qui se mettent à collectionner les vanneries au même titre que d'autres objets d'art.
Une lointaine origine
La vannerie japonaise de bambou est une tradition millénaire comme en témoignent les nombreux objets qui ont survécu à l'épreuve du temps. Leur diversité atteste de techniques artisanales ancestrales ancrées dans la culture japonaise. La tradition de la vannerie n'a cessé d'évoluer au fil des siècles et des contacts avec la Chine pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui: un art à part entière.
Le monde de la vannerie au Japon connaît un premier bouleversement au XVe siècle, le commerce s'établit avec la Chine des Ming (1368-1644) et permet l'importation de karamono (littéralement « choses chinoises ») qui vont séduire pendant les siècles à venir l'élite japonaise.
Les périodes Muromachi (1336-1573) et Azuchi Momoyama (1573-1603) voient l'émergence d'une nouvelle esthétique liée à l'art du thé chanoyu : wabi-sabi. Les arrangements floraux formels, jusqu'alors réalisés dans des karamono, sont remplacés par des compositions plus libres avec des fleurs sauvages dans des paniers grossièrement tressés. Fidèles à la simplicité propre à l'artisanat japonais, les vanneries prennent une forme asymétrique, légèrement oblique avec des mailles rugueuses, qui leur donne un côté plus rustique.
En Chine, faute de marché extérieur, la production de paniers en bambou se tarit, tandis qu'au Japon, leur popularité encourage une production locale dans le goût chinois: les karamono utsushi. Au milieu du XIXe siècle, les vanniers japonais hautement qualifiés, les kagoshi, sont sollicités par des marchands pour reproduire d'anciens paniers chinois.
Ces « copies » deviennent des produits de luxe réservés à une élite fortunée.
Textes extraits de l'exposition La plénitude du Vide au musée des Arts Asiatiques de Nice.
Musée des arts asiatiques
Adresse: 405, Promenade des Anglais, 06200 Nice
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