Pour débuter la nouvelle année, le théâtre Anthéa va plonger le public dans les tourments de l'amour. Avec Une lettre de mariage, extraite du recueil de nouvelles Personne d'autre, Daniel Benoin s'empare d'un des plus beaux et plus intenses textes de Botho Strauss. Au début des années 90, il avait déjà adapté ce monologue d'une femme qui écrit à l'homme qu'elle a aimé pendant plusieurs années et qui va se marier avec une autre, plus jeune. Pour cette nouvelle création, c'est à Aurélie Saada qu'il a décidé de confier le rôle de cette femme amoureuse. Un choix qui a d'abord surpris la première intéressée. Que ce soit seule ou avec le duo Brigitte, Aurélie Saada a l'habitude d'être sur scène, mais pour chanter. A Anthéa, le public la découvrira en tant que comédienne. Une nouvelle aventure qu'elle s'apprête à embrasser passionnément, comme tout ce qu'elle entreprend. Entre deux répétitions, elle nous a parlé de ce monologue qui l'a bouleversée dès qu'elle l'a lu.
Dans quelques jours, vous serez seule sur la scène du théâtre Anthéa. Comment avez-vous réagi quand Daniel Benoin vous a proposé d'interpréter cette femme ?
Aurélie Saada : Ma première réaction a été de dire à Daniel Benoin : "Attendez, je ne suis pas comédienne !". Puis, j'ai lu le texte, qui m'a profondément bouleversée. Il fait tellement écho à quelque chose de mon histoire, à des sujets sur lesquels j'ai écrit. Il parle de l'amour qui s'en va. Pourquoi tout d'un coup, on a l'impression d'être seul à vivre ces choses qu'on partageait à deux ? Dans quel état un amour fracassé peut-il nous laisser ? J'ai trouvé ce texte magnifique. Voilà pourquoi j'ai dit oui immédiatement. J'aime bien me lancer dans de nouvelles aventures. Celle-là, je l'embrasse totalement ! Je veux vraiment en profiter. C'est à la fois excitant et effrayant. C'est un cadeau extraordinaire que Daniel m'a fait !
Personne d'autre est un texte très intime mais qui a une portée universelle...
Aurélie Saada : Quand on a connu un amour fou et une rupture violente, on ne peut être que bouleversé par ce texte. Je pense qu'on est nombreux à avoir connu les deux. Il y a quelque chose d'extrêmement juste dans ce texte. Si un jour, j'ai la chance de rencontrer l'auteur Botho Strauss, j'aimerais bien lui demander s'il est autobiographique. Il y a une telle justesse dans ce qu'il a écrit ! C'est assez incroyable.
Comment présenteriez-vous cette femme que vous allez interpréter sur scène ? Comme une femme forte ?
Aurélie Saada : Elle décortique ce qu'elle ressent avec beaucoup de justesse. Elle n'est pas une princesse éplorée qui attend. Il y a en elle quelque chose de fort dans le fait d'assumer et d'être dans le vrai alors que l'homme, en face, a l'air d'être dans un leurre. C'est une femme qui ose dire les méandres d'un amour parti, avec lequel on vivra toujours, inévitablement. Un amour fort ne disparaît pas ; il est toujours quelque part avec nous. Je crois qu'on vit toujours avec les histoires et les drames qu'on a vécus. Quand on veut les cacher sous le tapis, ils nous hantent tandis que quand on les prend avec nous, il y a peut-être quelque chose qui nous en libère. Je crois qu'il y a quelque chose de cet ordre-là chez cette femme. A un moment, elle dit cette phrase que je trouve magnifique : "Tu es heureux et aveugle ; je suis malheureuse et je vois". Qu'est-ce qu'il vaut mieux être ? Heureux et aveugle ou malheureux et clairvoyant ? C'est une question très intéressante. Elle ne se ment pas à elle-même et elle ne ment pas à cet homme. Son aveu est honnête et clairvoyant.
Dans la pièce, vous allez également chanter. C'est un peu comme si la musique se substituait aux silences...
Aurélie Saada : Daniel Benoin m'a laissé le choix des chansons. Je suis allée puiser dans le jazz. Je trouve que ce sont des voix d'amour bouleversantes. Je vais reprendre des chansons a cappella, un peu comme s'il s'agissait de souvenirs de moments de leur vie. C'est aussi quelque chose qui est de l'ordre de l'aveu. Il y a des chansons de jazz mais aussi un morceau de Sylvie Vartan qui s'appelle "Pas si facile à oublier". Une très belle chanson écrite par Dorian et Keren Ann qui figure sur l'un de ses derniers albums. Je voulais que les paroles soient très proches de ce qui est dit dans le texte de Botho Strauss. Daniel veut que j'écrive une chanson pour la fin. Je ne sais pas encore si je vais le faire ou pas. Peut-être.
Personne d'autre de Botho Strauss avec Aurélie Saada, dans une mise en scène de Daniel Benoin, au théâtre Anthéa d'Antibes du 7 au 23 janvier.
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